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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/394

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suis bien ici. J’ai seulement peur d’engraisser, parce qu’on ne fait pas assez d’exercice. Je demanderai à Soliman de nous installer un trapèze et une corde à nœuds. »

Cette réponse grossière me blessa et diminua beaucoup mon affection pour Caroline. Je ne répondis rien. Cependant je songeai que si Soliman avait la bonté de nous donner une échelle de corde, cela pourrait peut-être servir mes projets.

Cette conversation s’achevait quand la négresse introduisit Syra et Louma. Aussitôt Caroline, pour me punir et sans doute exciter ma jalousie, s’approcha de Syra, qui était délicieusement belle, et lui fit les mêmes caresses qui m’avaient accueillie, nouvelle venue. J’imitai la méchanceté de mon amie et j’attirai à moi Louma, qui tomba dans mes bras en pleurant. C’était une petite créature toute frêle, qui aurait été prise pour un enfant sans la richesse précoce de sa poitrine et la beauté accentuée de son visage aux lignes nettes. Elle avait des veux grands comme des lacs, pleins de candeur et d’intelligence.

Son geste de se donner à moi fit que je me donnai à elle de tout mon cœur.

Louma fut demandée le soir même ; j’en pleurai.

Tout le lendemain elle fut sombre, répondant à peine à mes regards, au frôlement de mes doigts.