Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ner même, par gouaillerie, à un soldat aventurin, de faire ainsi pénétrer l’exégèse, le doute, le rationalisme chez ce petit peuple qui adore Pantagruel : quel dommage !

A force d’interroger don José, j’obtins encore quelques renseignements intéressants sur la constitution politique et l’organisation judiciaire de la République Aventurine. Don José m’assura que la foi en Dieu, c’est-à-dire en Pantagruel, est si ardente chez les Aventurins qu’ils tirent au sort la solution de presque toutes les questions importantes. Cela ne m’étonna point, pensant à l’excellent juge Brid’oye, « lequel sententioit les procès au sort des dez ».

— C’est bien de cette manière qu’ils rendent la justice, reprit don José. Ils s’en remettent uniquement au jugement d’en haut. Si les dés ne sont pas pipés…

— Vous disiez ?

— J’ai perdu à San Juan un procès que j’aurais peut-être gagné en Aventurine. Je l’ai perdu, faute d’argent pour suivre. Avec les dés, j’aurais eu meilleure chance.

— Oui, dis-je, d’avoir une chance sur deux, c’est beaucoup pour l’innocent et pour le bon droit. Les Aventurins sont privilégiés.

— Ils poussent à l’extrême ce goût du hasard,