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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/414

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tion du peuple. Mais le peuple était distrait par d’autres discours, d’autres spectacles et aussi par des poèmes qui n’étaient pas ceux d’Oribase. Les gazettes athéniennes mentionnaient rarement son nom et, quoiqu’il eût des amis fidèles et même des admirateurs, il considérait avec effroi que les années, en prenant congé de lui, l’une après l’autre, lui laissaient sur la tête moins de lauriers que de poils blancs. Un jour que l’ironie de sa maîtresse avait été plus cruelle que de coutume, il entra en colère et, prenant le parti de quitter le monde, alla se réfugier dans une petite maison qui lui venait de son père et qui mirait son toit de tuiles vertes dans les eaux bleues du Céphise.

La solitude d’abord l’enchanta et lui rendit l’àme plus poétique que jamais. C’est à ce moment qu’il composa ses meilleurs vers, ceux où il décrit avec un enthousiasme souvent mélodieux les charmes du fleuve, de la forêt et de la montagne. Un éditeur d’Athènes consentit à publier cet agréable volume, et les jeunes revues de ce temps-là, le Permesse, l’Hélicon, la Fontaine d’Hippocrène, en dirent le plus grand bien, ce qui n’était pas leur coutume. Oribase revint à la ville, pensant que le moment était enfin venu pour lui de « cueillir le vert laurier » !

Hélas ! il était trop tard. L’astucieux Moréas