Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible de prendre ce chapitre et les suivants pour de simples résumés, tout objectifs, des raisonnements philosophiques contre le christianisme. Chateaubriand, qui d’ailleurs y met beaucoup du sien, les prend parfaitement à son compte ; et la note manuscrite les signe et les authentique.

Ses objections historiques et critiques sont tout à fait sur le plan moderne. Dans le système judéo-chrétien, dit-il, bien avant Renan, une chose n’est pas prédite parce qu’elle arrivera, mais elle arrive parce qu’elle est prédite. De cela les évangiles mêmes font preuve. Ils ont la naïveté de nous dire à chaque ligne : « Et Jésus fît cette chose, afin que la parole du prophète fût accomplie[1]… » Mais, continue-t-il, et on pense à Strauss, il y a bien plus : « C’est qu’il n’est pas du tout démontré qu’il exista jamais un homme appelé Jésus, qui se fit crucifier à Jérusalem. Quelles sont vos preuves de ce fait ? Les Evangiles. Admeltricz-vous dans un procès, comme valides, des papiers visiblement écrits par l’une des parties ? Nous raisonnons ici comme si nous croyions à l’authenticité du Nouveau Testament (ce que nous sommes loin de faire, comme on le verra par la suite)[2]. Loin de rien

  1. Voyez, entre autres, Mathieu, ii, 17, 33 ; iv, 14, 15, 16 ; xxvi, 24. 54. 56 ; xxvii, 9, 35 ; etc.
  2. Ici, l’auteur, emporté par son sentiment, oublie son rôle de rapporteur, et avoue tout net son incrédulité.