Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques années, ne s’avisa-t-on pas d’une entreprise encore plus comique, le Rabelais des jeunes filles ? Ce livre m’est inconnu, et je crois qu’il n’eut guère de succès. Plus récemment, un éditeur catholique a publié un Balzac expurgé, rendu tout pareil à Berquin, un Balzac qui ferait l’ornement de la Bibliothèque rose. Enfin, je possède deux petits volumes rares et bien curieux, qui s’appellent le Molière de la jeunesse. L’auteur était universitaire du temps que l’Université était sous la coupe de l’Église. Il est mort en 1840. Cet excellent homme admirait beaucoup Molière, mais il le considérait en même temps, il nous en informe dans sa préface, comme un auteur des plus dangereux pour la jeunesse. Des enfants, dit-il, ne pourraient même le parcourir sans péril pour leur innocence, car ses comédies roulent presque toutes sur des intrigues amoureuses et peignent des passions qui ne s’éveillent que trop dans l’imagination ardente de la jeunesse. Mais quel dommage que ce qu’il y a de « répréhensible » dans ces pièces empêche qu’on les mette entre toutes les mains, car, il le confesse, elles contiennent et de belles choses, et des choses fort amusantes. Il coucha donc Molière sur la table d’opération et il trancha dans le vif. Le résultat donne un Malade imaginaire arrangé en deux actes et duquel ont disparu Béline, Louison et