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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/82

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Cléante ; un Misanthrope réduit à un acte et duquel on a tout bonnement ôté Célimène. Alceste sans Célimène, cela passe l’imagination ! Le reste est à l’avenant, mais Tartufe, pour plus de sûreté, est enlevé tout entier. Veut-on le nom de ce pédagogue effronté ? Il s’appelait M. Jauffret. Auprès du Molière de la jeunesse, le Musset des familles est, je le reconnais, une œuvre hardie, un modèle de loyauté littéraire. Même dans les milieux qui affectent le plus vif attachement à la morale chrétienne, cette morale est en désarroi. M. Faguet laisse passer des choses telles que :

Regrettez-vous le temps où les nymphes lascives
Ondoyaient au soleil parmi les fleurs des eaux ?

Voilà une image bien peu « famille » et bien peu chrétienne. Est-ce que tout cela, au fond, ne serait pas de l’hypocrisie ? Est-ce que nous ne serions pas, avec ce Musset des familles, dans un monde qui veut faire croire à son antique vertu, mais qui, dans l’intimité, s’en moque ? J’aime mieux insinuer que la liberté de penser et de sentir a fait quelques progrès, même parmi ceux qui font profession de n’accueillir que des pensées modestes, de n’éprouver que des sentiments permis.