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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/87

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royauté ? Le roi des poètes était un excellent homme, de son métier professeur d’anglais, menant une vie de bon bourgeois, tout à fait digne et estimable et dont on ne sait nul trait qui ne soit à son honneur. Mais le pédagogue se doublait d’un lettré et d’un poète excentriques jusqu’à la folie. C’est à ce point que bien des gens se demandèrent et se demandent encore si Stéphane Mallarmé ne fut pas un « fumiste », comme on dit, et si nombre de ses productions ne furent pas une ironie parodique, comme fut le Parnassiculet, exquise plaisanterie de Daudet[1]. Mais non. On ne continue pas une farce toute sa vie. L’obscurité de Mallarmé, les tortures qu’il infligeait aux mots, étaient même moins une manière factice et voulue qu’une satisfaction naturelle de son instinct. Comme Odilon Renot[2] dans le dessin, il fut hanté, dominé, perdu (littérairement s’entend) par cette fausse pensée et cette ambition illusoire de vouloir traduire par la langue des sensations de rêves, assurément incohérentes. Le sobre savant en arrive à écrire comme parlerait un ivrogne. Je tire de ma bibliothèque, où, depuis trente ans, j’entasse volontiers les curiosités littéraires, le premier numéro

  1. Sic.
  2. Sic. — M. Fouquier n’a pas de chance avec les noms des poètes ou des artistes. On se rappelle son fameux : Lafargue, que j’ignore.