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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/93

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toujours un peu moins inconnu, quand on est vivant que quand on est mort. Bien rares sont les heureux à qui la mort ouvre l’immortalité. Mais c’est parmi les femmes surtout que le petit nombre des élues est vraiment tout petit. Hâtons-nous donc d’admirer les femmes poètes, pendant qu’elles chantent, et aussi pendant qu’elles sont jolies. La plus célèbre est madame de Noailles, elle est vraiment « l’illustre Sapho » ; la plus remuante est madame Delarue-Mardrus, qui vient de conquérir l’Algérie. Chaque poète, maintenant, ou presque, se double d’une poétesse : madame de Régnier, discrète et méditative ; madame Mendès, ingénieuse et savante. Valentine de Saint-Point, Nicolette Hennique appartiennent aussi à des familles littéraires. Renée Vivien a été célébrée par M. Charles Maurras, et Hélène Picard par M. Emile Faguet. Celle-ci est Toulousaine. La province est riche : Bordeaux a Marie Nervat ; la France-Comté, Marie Dauguet ; Digne, Cécile Sauvage. L’Alsace a l’énigmatique Sybil et Venise, Laurent Evrard, qui cache son sexe et montre son talent.

Voilà de grandes richesses, et j’oublie sans doute de beaux diamants. Les hommes, quoi que l’on pense, n’en sont point jaloux. Les gloires féminines et les masculines sont des gloires différentes. Elles n’empiètent pas les unes sur les autres et par-