Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/97

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ment, un peu puéril d’aujourd’hui, que leur littérature fut accueillie. On jugeait leurs œuvres aussi cavalièrement que celles des hommes et nul ne leur faisait grief, pas plus que nul ne leur savait gré, d’être des femmes. On considérait les mérites de l’écrivain : ce n’est pas à son sexe, assurément, que Mme de La Fayette dut sa réputation. Ses romans étaient célèbres avant qu’on fût assuré qu’ils étaient d’une femme et d’elle-même. On s’attachait à l’œuvre, non à l’auteur, ni à la qualité de sa vie, de ses mœurs, de ses aventures. La jupe n’était pas encore une auréole. Il est certain que, de notre temps, s’il y avait un La Rochefoucauld, sa tendre amie profiterait, pour lancer la Princesse de Clèves, de sa situation équivoque et enviée. C’est en cela que le méchant critique a raison : un livre est souvent jugé aujourd’hui autant sur son origine que sur sa valeur propre. Il n’est pas douteux que celui de Marguerite Audoux ne dut son succès initial à l’humble condition de l’auteur. Mais le succès a persisté et il faut bien en arriver à l’examen des causes contenues dans le livre même. Marie-Claire est une œuvre séduisante par son apparente simplicité qui décèle une méthode très volontaire et très calculée, un travail lent de précision et de mise au point. Il s’agissait de faire raconter sa vie à une petite fille abandonnée, ses années d’enfance l’hospice et en condition, de signaler l’éveil de son