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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/106

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fête et pour l’article de la mort, c’est la Nature qui règne, souveraine de la vie. La nature n’est pas une invention de Jean-Jacques. Quand les hommes sortirent d’eux-mêmes et ouvrirent les yeux, ils découvrirent des mouvements que la théologie ne réglait pas ; d’où une libération qui les rendit ivres tout d’abord. A la fin du dix-huitième siècle, cette ivresse est remontée aux cerveaux, et un humble poète de collège et de cour, comme l’abbé Delille, ne connaît point d’autre maîtresse. C’est ce qui donne encore un certain charme et une force aussi à sa poésie laborieuse : tout ce qu’il voit dans la liberté de la nature lui semble digne d’être anobli et de recevoir l’investiture de la bonne compagnie. « Mon cul aussi est dans la nature », disait grossièrement Voltaire, qui ne comprenait pas tout. « Soit, répond l’abbé, je vais le faire entrer décemment dans un vers français. » Mais il s’arrêta au fumier.

Son Art des jardins, je l’ai dit, est romantique, puisque la nature est romantique. C’est sur son modèle qu’il veut que l’on façonne les jardins :

Qu’un obscur arpenteur, armé de son compas.
Au fond d’un cabinet, d’un jardin symétrique
Confie au froid papier le plan géométrique ;
Vous, venez,… etc.

Il s’agit que le génie de l’homme collabore avec le génie inconscient des choses :