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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/107

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Un jardin, à mes yeux, est un vaste tableau.
Soyez peintre. Les champs, leurs nuances sans nombre,
Les jets de la lumière et les masses de l’ombre,
Les heures, les saisons variant tour à tour
Le cercle de l’année et le cercle du jour ;
Et des prés émaillés les riches broderies,
Et des riants coteaux les vertes draperies,
Les arbres, les rochers, et les eaux, et les fleurs,
Ce sont là vos pinceaux, vos toiles, vos couleurs.
La nature est à vous ; et votre main féconde
Dispose, pour créer, des éléments du monde.

Il ne veut pas que l’on imagine des paysages factices, mais que l’on se borne à embellir ceux que la nature a formés. N’avez-vous pas, dit-il, au cours de vos promenades, rencontré tout à coup un de ces aspects enchantés qui vous ont arrêté comme malgré vous, qui vous ont jeté dans une longue rêverie ? Rappelez vos souvenirs, reformez l’image qui vous a ravi,

Et des champs apprenez l’art de parer les champs.

C’est ainsi que furent formés tous ces beaux jardins où triomphent à la fois l’art et la nature. Chantilly, Belœil, tout à la fois magnifique et champêtre, Chanteloup, « l’aimable Tivoli », bien d’autres, et Trianon, qui, « semblable à son auguste et jeune déité, joint la grâce avec la majesté ».

C’est mieux que la nature et cependant c’est elle.