dans son fulgurant Traité du Romantisme, faire abstraction de lord Byron, qui pourtant modela tant d’esprits romantiques à son image ? La vérité est que la littérature française, qui n’est si vivace que parce qu’elle s’est constamment renouvelée, ne s’est jamais renouvelée que sous des souffles venus du dehors, souvent de très loin, et cela depuis les temps les plus anciens jusqu’aux temps les plus récents, depuis le douzième siècle, la « matière de Bretagne » succédant à la « matière de France », jusqu’au dix-neuvième, la « matière romantique » succédant à la « matière classique », celle-ci d’ailleurs n’étant que la floraison, bientôt fanée, de l’œuvre des traducteurs du seizième siècle qui avaient brusquement jeté la « matière de l’antiquité » dans l’imagination française. Ceci ne sera clair que pour ceux qui ont une vue historique de notre littérature, mais je ne puis pas, à propos d’une question spéciale à propos d’un livre dont je vais parler bientôt, entreprendre un cours de littérature française. Cela serait pourtant bien utile, car il est peu de « matières » plus mal connues, encore qu’il en soit peu de mieux enseignées, mais peut-être que l’on ne saurait enseigner un tel ensemble de connaissances de luxe et que rien n’y remplace l’expérience et le maniement, même distrait, des vieux livres. Cette influence de la pensée, et quelquefois, comme on l’a vu récemment, de la forme
Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/167
Apparence