Rondel
Pour vivre en joyeuse vie
J’ai mis mon cœur à aimer
Le meilleur qu’on pût trouver.
Je n’ai pas fait de folie,
Nul ne devrait m’en blâmer.
Pour vivre en joyeuse vie.
J’ai mis mon cœur à aimer.
Et quand jeunesse m’en prie,
Qu’Amour veuille commander,
Je ne le dois oublier.
Pour vivre en joyeuse vie
J’ai mis mon cœur à aimer
Le meilleur qu’on pût trouver[1].
Guillaume sent son indignité devant tant de jeunesse et tant de bon vouloir. Il fait par avance de lui-même un portrait qui découragerait son admiratrice, si l’admiration pouvait être découragée quand elle vient d’entrer dans un jeune cœur. Il avoue ses secrètes inquiétudes : « Vous me faites vivre en paix et en joie loin de vous et si j’étais en votre présence je pourrais bien chercher ce que je ne voudrais pas que l’on voulût me donner. » C’est qu’il est vieux déjà et malade, qu’il a soixante ans passés, la goutte et un œil mauvais. Il a honte de lui-même : « Je suis petit, rude, sans esprit, sans bonté, ni beauté, je ne suis pas digne de pen-
- ↑ Je modernise l’orthographe. Début de la lettre : « Très chieres sires et vrais amis. » Une faudrait pas prendre cela pour un pluriel. Voir la note, p. 31.