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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/43

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ser ensuite fort désemparés ceux qui se sont laissé prendre à un tel piège.

L’amourest passager et le mariage est permanent. Ce sentiment et cette institution sont à peu près contradictoires. D’ailleurs l’amour n’est délicieux que dans ses commencements, ou bien il faut avoir le génie d’aimer pour en renouveler constamment la ferveur. Des amants parfois prennent en eux cette volonté, ils reçoivent cette grâce, à force de la désirer, mais les époux, confiants dans leur sécurité, croient d’abord qu’elle est une des conséquences du mariage et sont fort étonnés de voir qu’elle leur échappe. Ils s’ennuient, l’un en face de l’autre, à regarder des yeux qui ne parlent plus, des bouches sans baisers. L’amour ne dure pas, il se renouvelle. Or, le mariage s’oppose à ce renouvellement. Donc l’amour et le mariage sont incompatibles.

Le mariage a d’autres buts et d’autres mérites. Soit. Mais ce n’est ni pour les contester ni pour les exposer que Octave Uzanne a écrit le Célibat et l’Amour. Cette matière ne l’intéresse pas. Il n’a point l’âme conjugale, ayant tout d’abord pris le parti de l’abstention dans le débat entre Panurge et Pantagruel. Le titre de son traité indique clairement son propos. Il a écrit pour les amants un manuel du libre amour.

Tout d’abord il est un fait certain, c’est qu’on