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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/47

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tue aux épanchements, aux gestes, aux discours. Le cri que l’on prévoyait arrive toujours dans la même modulation, et un jour vient où d’un commun accord on espace les rendez-vous, en attendant le jour où on les oublie. Puis, on se sourit sans étonnement et sans embarras, quand on se rencontre. C’est qu’on a déjà recommencé une autre partie au grand jeu de l’illusion. Et la vie passe. Mais je n’ai pas parlé des cas où l’un des amants s’est lassé plus tôt que l’autre. Ce sont probablement les plus fréquents. On n’est pas arrivé à obtenir le synchronisme de deux pendules. Comment pourrait-on l’exiger de deux cœurs ? II y a là pour l’un des amants de petites ou grandes heures difficiles à passer. C’est une des rançons de l’amour. Aussi bien, on s’y attendait un peu. Les vrais amants n’aiment pas les tragédies. « Je ne sais compter que les heures aimables », me disait une femme de beaucoup d’esprit et qui a le sens véritable de la vie.

Je n’aime pas beaucoup la méthode de Don Juan, ni d’ailleurs aucune méthode, mais il faut avouer qu’elle peut valoir à l’amant d’étranges bonheurs. Dans ce cas, il n’est plus l’amant, il est le voyageur, le promeneur, le rôdeur, et il ne suit pas une méthode, il profite de l’occasion, tout simplement. Je pense à l’union brusque de deux désirs que le hasard a jetés l’un vers l’autre. Ce n’est plus le