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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/58

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tion pittoresque. Il ne doit compter que sur son œuvre. Il est, je pense, l’homme qui se désintéresse de tout, hormis de la poésie. Employé dans un ministère, il dédaigna, tel Samain à l’Hôtel de Ville, d’y briguer le grade honorable de rédacteur ; l’un mourut expéditionnaire, l’autre prit sa retraite en cette même qualité : quelle leçon pour les ambitieux ! Il est possible que sous cette indifférence il y ait eu dans les deux cas une sorte d’incapacité administrative. Cependant, cela est bien douteux pour Samain, que j’ai connu instruit presque en toutes choses, discoureur, directeur de conscience, esprit solide, à tendances, aurait-on dit, pratiques. Je vois plutôt dans ces destinées paradoxales l’exemple d’esprits qui ne voulurent pas se dédoubler, qui, méprisant les subtilités de la cloison étanche, se donnèrent tout entiers à leurs penchants les plus nobles et finirent par ne pas les dissocier de l’exercice même de la vie.

Cette attitude a valu à Léon Dierx beaucoup de respect de la part des générations poétiques successives, et ce respect a grandi à mesure que l’homme est devenu plus solitaire, chêne survivant de la forêt détruite. On lui a su gré de n’avoir voulu ou de n’avoir pu être que poète, alors que ses contemporains du Parnasse devenaient tant d’autres choses aussi, chroniqueurs, critiques dramatiques, romanciers. Si c’était un jugement, il serait peut--