être à réformer, mais c’est un sentiment et on ne peut s’empêcher parfois de le partager volontiers. Ce n’est pas que la jeunesse qui admire Léon Dierx soit extrêmement familière avec ses œuvres. Il y a l’admiration et il y a l’amour. L’amour pour les poètes survit rarement à la génération des disciples immédiats. Je crains que, comme toute la poésie du Parnasse, celle de Dierx n’apparaisse déjà, du moins en grande partie, comme une beauté trop historique, trop sombre aussi. Ce qu’elle contient d’émotion ne filtre plus assez à travers ses pores. L’endosmose se fait difficilement, mais elle se fait encore. La récente édition de ses deux volumes de vers en est la preuve et c’est vraiment tout ce que pouvait souhaiter un poète dont l’originalité repose sur l’expression de la pensée plutôt que sur la pensée même, trop uniformément désespérée. Cela ne veut pas dire que Dierx soit un virtuose de la rime et du rythme, un de ces jongleurs de la consonne d’appui qui méprisent tout ce qui ne porte pas l’écho d’une sonorité pleine. Non, et c’est en cela même qu’il se sépare des acrobates, ses frères ; il ne sacrifie jamais au son la pensée mélancolique qui l’obsède ; chez lui la manière d’exprimer les choses ne prévaut pas sur les choses qu’elle exprime. Son vers toujours noble a parfois des souplesses, des ondulations qui semblent se modeler avec ténacité sur les paysages d’âme et de nature qu’il décrit. Telle laisse
Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/59
Apparence