influences qu’il a, comme un autre, subies, ont été tout extérieures. Telle son âme apparaît quand il avait vingt-sept ans, telle elle est encore quand il en eut cinquante, en 1847, dernière année du Journal publié. Pourtant, là aussi, quelques dates semblent suspectes. Pouvait-on écrire ceci, surtout en France, en 1825 : « J’ai dans la tête une ligne droite. Une fois que j’ai lancé sur ce chemin de fer une idée quelconque, elle le suit jusqu’au bout malgré moi. » Il faut toujours se méfier un peu des papiers intimes recopiés, corrigés, mis au net avec patience et complaisance : le présent s’y glisse si facilement dans le passé ! Mais, je le répète, à part quelques dissonances de détail, cela offre moins d’inconvénients quand il s’agit d’un homme tout d’une venue comme Vigny que lorsqu’on a affaire à un être divers et mobile comme Victor Hugo ; il est vrai que dans ce cas la fraude apparaît si naïve qu’elle fait sourire. Hugo, dans ses confidences successives, se recompose chaque fois à la manière des anciens portraits historiques. Il cherche à donner de lui une impression parfaite d’unité. Si Alfred de Vigny eut un tel soin, il était bien inutile. Son unité est évidente, trop évidente. La monotonie de sa pensée en est la preuve. Il n’a pas d’âge, elle n’a pas de moments. Comme celle du Dieu des théologiens (cette comparaison l’aurait flatté), elle semble immanente. Elle est. Il fut doué par la
Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/82
Apparence