Page:Gourmont - Promenades philosophiques, sér3, 1921.djvu/70

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APOLOGIE DU CANNIBALISME La science vient de réhabiliter les anthropophages. Elle ne s’est pas mise pour cela, disons-le, au point de vue moral. Ses considérants sont d’ordre pure- ment physiologique. On a souvent attribué le can- nibalisme au défaut, chez certaines tribus, de nour- riture animale, par la rareté des bêtes domestiques ou sauvages. On y a vu aussi, soit un geste de ven- geance, soit un acte de gourmandise. Aucune de ces suppositions n’est tout à fait inexacte, mais aucune ne donne la cause fondamentale du cannibalisme. Cette coutume (désagréable surtout pour ceux qui sont mangés) a très probablement, comme d’autres usages moins fâcheux, une origine magique. Manger d’un homme, c’est s’approprier une partie de la force de cet homme, c’est augmenter sa vie en absorbant une vie humaine toute formée. Plusieurs religions anciennes avaient adopté cet