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PHILOSOPHIE NÀTURBLLB G5 usage, en substituant à la manducation de l’homme la manducation de l’animal, totem ou dieu de la tribu. Après avoir été mangé par ses fidèles, auxquels il avait communiqué quelque chose de sa divinité, le dieu ressuscitait tout naturellement, en attendant le prochain sacrifice annuel. La communion symbolique des fidèles de Mithra, celle des disciples de Jésus, deux- religions contemporaines, n’est point basée sur un autre principe. « La chair et le sang », disent formellement les chrétiens, ou du moins ceux qui ont conservé la vraie tradition primitive. 11 est d’ailleurs certain que, par un phénomène assez curieux d’auto-suggestion, la communion eucharistique fortifie singulièrement le moral des croyants et qu’elle va même jusqu’à relever leurs forces corporelles. L’Indien cannibale, en savourant la cervelle de son ennemi vaincu, éprouvait un bien-être analogue. Seulement, explique- t-on maintenant, tout n’était pas illusion dans la satisfaction de l’anthropophage. En effet, la viande humaine qu’il dévorait s’assimilait plus facilement à son organisme humain. Manger de son semblable, c’est absorber une nourriture spécifique et, si l’on peut dire, idéale. On sait d’ailleurs que les sérums agissent avec plus d’efficacité s’ils proviennent d’un animal de la même espèce.