Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni souffrir, prends-moi par la main et conduis-moi comme une mère qui mène son enfant. N’est-ce pas, il faudrait d’abord souffrir avec toi ? Puis viendrait l’amour, ainsi qu’une pluie dans le désert, et naîtrait la joie, joie d’aimer, joie d’avoir souffert… »

« Je crois prier, se dit Entragues, en relevant la tête et je fais de la littérature. Elle est assez bien venue, cette prière, et si je puis m’en souvenir, je l’utiliserai. Prendre mon carnet, la rédiger, ce serait blasphématoire ! Pourquoi non ! Il faut profiter de l’inspiration, cela ne se retrouve pas. »

Avec de très légères variantes, il nota son éjaculation.

« Je me suis arrêté à temps. L’inconsciente comédie à la fin m’eût fait rougir. Je prie sérieusement et suis-je chrétien ? Oui, je veux l’être, et du plus mystique et du plus abstrait catholicisme, quand cela ne serait que pour me séparer de l’abjecte foule, reniant comme une vile affranchie la religion qui l’a tirée de l’esclavage. Il est bien évident qu’au fond de moi-même je crois plutôt à la divinité de Jésus qu’à celle de Cakya-Mouni et que je me ris de la vanité d’un créateur inconscient !…

« Ah ! quelles sont énervantes, ces rondes solitaires ! »

Puis, tout d’un coup :

« Il faut que je la voie, il faut que je la voie ! Ah ! pourvu que cela ne soit pas mercredi ? »

Les journaux échelonnés le long d’une petite librairie le renseignèrent : vendredi 27 octobre. Ainsi,