Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/116

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Un Ziem, dans le fond le fond de la pièce, habilement éclairé avec des lumières dérobées, une resplendissante rade italienne, avec des voilures teintées de pourpre, de versicolores nuages au ciel, et tout cela profond de transparences, et tout cela lointain de plusieurs lieues, et sous les rutilances de l’atmosphère, la divination des bleus éternels :

« Naples, plus Naples que je ne le vis encore, ah ! c’est que je ne regarde presque jamais du côté du golfe, puisque la Novella est mon ciel et mon océan. »

— « Monsieur d’Entragues, vous avez l’air bien distrait ?  »

Ceci le ramena à la vérité : il n’était pas Della Preda, elle venait de lui donner son nom authentique, Naples s’évanouit ; il se retrouva, après une minute d’absence, à Paris, près de Mme Sixtine Magne et devant une assez bonne vue de Venise.

— « C’est ce tableau, continua Sixtine. Il me délecte, mais ne l’observez pas avec tant d’attention, vous seriez forcé de convenir qu’il est médiocre et doué seulement de quelque puissance d’illusion pour des esprits imaginatifs.  »

Pendant que de fugitives paroles s’échangeaient sur les peintres et leur peinture, Hubert, sans cause déterminable revivait une des plus significatives impressions de son adolescence. Jugeant impossible d’y échapper et craignant de trop inclusives distractions, il la résuma tout haut. Le mot de madone qui fut prononcé par Sixtine lui en fournit le prétexte :

« Un soir d’orage, l’été. Toute la journée, j’avais ressenti des inquiétudes ; de soudaines langueurs me