Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/133

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des seins marbrins, la bonne tenue des hanches et des autres courbes.

Entragues la considérait avec plaisir, mais sans guère de trouble, car le nu, surtout, en une chambre de fille, n’est pas spécialement sensuel ; c’est un si naturel état, si simple, si exempt de provocation, si peu suggestif par son absence de mystère, qu’un bas de jambe entrevu dans la rue, un corsage adroitement habillé, un frôlis de jupes, une main dégantée, un sourire derrière un éventail, telle mine, tel geste, tel regard, même en toute chasteté d’intention, sont bien plus excitants. Remarque assez banale, mais Entragues, excusable de s’y arrêter comme à une impression directement ressentie, cherchait encore à en démêler la cause.

Devant cette fort agréable femme qui se pétrissait elle-même, en attendant, il éprouvait ceci : un grand découragement : « Cette beauté qui me plaît, que je désire et qui est à moi, je ne l’aurai pas. Je la prendrai dans mes bras, je la serrerai contre ma chair, je pénétrerai en elle autant que la nature l’a permis, et je ne l’aurai pas. Quand je la baiserais d’autant de baisers que le mensonge a de langues, quand je la mordrais, quand je la déchirerais, quand je la mangerais, quand je boirais tout son sang en un sacrifice humain, je ne l’aurais pas encore. Et toutes les sortes de possessions dont je puis rêver sont vaines ; quand je pourrais comme un flot, en une complète circonvolution, l’imprégner de ma vie par tous les points de son corps à la fois, je ne l’aurais pas encore. L’endosmose d’amour est irré