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Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/145

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s’évanouissaient : d’en bas, on ne les voyait plus. C’était dommage, car elles étaient jolies, mais tout à sa liberté, il marchait, le front haut, plein de joie, en guettant les femmes. Il passa sous la madone, sans émotion, jeta un coup d’œil au portail de l’église, le trouva laid, pareil à une porte charretière et de la Novella ne vit qu’une madone bien harnachée, dénuée d’attrait : cependant il la salua.

Le port s’animait de robes orientales : un nègre vêtu de blanc faisait monter dans une voiture à rideaux des femmes encagoulées comme les Carmélites de Saint-Augustin quand elles vont quêter leur pâture. Il y en avait une bleue, une rouge, une verte, une violette et une jaune. Les quatre premières montrèrent en voiture, riant comme des enfants, disant très vite des mots inconnus. Guido, qui s’était avancé, vit que chacune portait, épinglée à sa cagoule, derrière la tête, une étiquette ; il déchiffra celle de la femme violette qui gesticulait un peu moins que les autres : All’eccellentissimo e nobilissimo signor Ricardo Caraccioli. Alors, elles avaient une destination certaine : on n’allait pas les lâcher dans la campagne parmi les herbes, les bleuets, les pavots et les safrans ? Mais que ferait-il de cette fleurette, le seigneur Caraccioli ? Guido le connaissait : c’était un gentilhomme d’exemplaires vertus, fils d’un cardinal et neveu du défunt pape. Que ferait-il de cette fillette ? Un dialogue le renseigna :

— Elles sont toutes pour le même excellentissime seigneur ? demandait un subalterne officier qui tenait à la main un assez gros registre.