Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Toutes pour le même, répondit le nègre, ou du moins toutes au même nom. Cela vous surprend, seigneur ? Mais il les partagera avec ses amis. Il n’en garde jamais qu’une crainte qu’on ne lui cherche noise.

— D’où viennent-elles ?

— Le diable le sait. Nous les avons capturées du côté d’Alger. Une belle galère, toute dorée, avec des fleurs, des plumes, des parfums. Le capitaine l’a remorquée jusqu’à Palerme, où il a pu s’en défaire à un bon prix : c’est son bénéfice. Il y avait dessus les femmes, donc, que voilà, trois vieilles et douze hommes, pacha, équipage, gardiens. Ça n’a pas fait long feu : en un tour de main, les hommes sanglés, saignés, à la mer ! Quel tas de bandits, hein ? Douze de moins et les vieilles par-dessus le marché.

— Cinq femmes turques, reprit l’autre. C’est cinquante ducats pour le roi et un flacon de vin pour moi…

— Bon, buvons-le.

—…Par femmes, continua le doganiere, et en espèces.

Le nègre paya. Ils burent tout de même, à une cantine proche, sans quitter de l’œil la marchandise.

Guido comprit que c’étaient des esclaves destinées au harem de l’illustrissime Caraccioli. À Venise, où il avait vécu, c’était l’usage, depuis que les Turcs pirataient, de leur rendre la pareille. Si cela devenait de mode, à Naples, tant mieux ; il rassemblerait, en une petite maison, quelques orientales pour ses plaisirs. Quant à croire que l’excellentissime hypocrite faisait la traite des beaux yeux pour ceux de