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Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/148

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— Oui, oui, répondit Guido. Ces messieurs sont polis. Tenez, ajouta-t-il, en tirant un ducat, allez boire ceci.

Le nègre comptait ses femmes : une, deux, trois, quatre… Bien. Non, il m’en faut cinq. Alors, nous disons… nous disions donc : une, deux, trois, quatre, cinq.

La voiture s’éloigna.

— Je t’aime, monseigneur, viens-nous-en !

La jaune Algérienne surgie comme un éclatant caprice l’avait pris par la main.

— Dès que je t’ai vue, continua-t-elle, je me suis cachée pour ne pas être emmenée avec les autres, car je l’appartiens, je suis ton esclave. Mon nom est Pavona.

— Mais, demanda Guido, comment as-tu pu me voir puisque tes yeux sont fermés, car je sais que, sous ta cagoule, tes yeux sont fermés.

— C’est vrai, dit Pavona, tu me connais donc ?

— Oui, je te connais : tu es celle qui m’est destinée pour vaincre le dédain de la Novella. Comme j’implorais son amour, le consentement de sa passion, avouée tant de fois et pourtant jamais décisive, comme je la suppliais d’être clémente, elle a fermé les yeux, elle a dit : Non. Et moi j’ai dit : Eh bien, j’aimerai d’autres yeux afin que pleurent et me soient cléments les yeux de la Novella. Alors, ses paupières se sont relevées et j’ai pâli d’effroi : au lieu des bleus et doux iris, j’ai vu des yeux étranges, comme ceux qui se dessinent sur les plumes de paon, de paon blanc.