Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/158

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— Ah ! que je suis heureux de vous avoir rencontré !

— Mon Dieu, reprit Entragues avec modestie, je crois que vous n’aurez pas à vous en repentir. Il y a si peu de gens capables de comprendre : on ne trouve d’ordinaire que l’envie, la jalousie, la sottise, la suffisance, et quand on est né sous une très favorable étoile, l’indifférence. Voyons, par où allons-nous commencer ? Vous pensez bien que pour votre mariage, je ne puis d’aucune façon intervenir directement : tenez-moi seulement au courant de ce qui se passera, et je vous donnerai mon avis sur la conduite à suivre. Vous viendrez me voir, nous délibérerons en conseil de guerre, nous examinerons l’état de la place, nous ferons des plans, nous ne laisserons rien au hasard et nous serons vainqueurs : de ceci, n’ayez nul doute. La connaissez-vous depuis longtemps ?

— Depuis l’hiver dernier. Des amis russes m’avaient donné une lettre d’introduction pour Mme la comtesse Aubry. La comtesse, un soir, me présenta à Mme Magne, et tout de suite, je sentis que ma vie avait trouvé son but.

— Ce fut une sorte de coup de foudre ?

— Je connais ce mot : coup de foudre, répéta Moscowitch avec complaisance. Non, plutôt une soudaine attraction. Enfin je la vis, je l’aimai, voilà.

— Et vous ne lui avez fait l’aveu de votre amour que beaucoup plus tard ?

— Plus tard, deux ou trois mois après. Mais je crois qu’elle s’était déjà aperçue de mes sentiments,