Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

car elle ne fut pas étonnée de m’entendre les exprimer.

— Une femme n’est jamais étonnée qu’on l’aime ; c’est le contraire qui la surprend.

— Oui, mais enfin, elle m’avait deviné.

— Oh ! elles devinent toujours et c’est même pour cela que les aveux les trouvent si calmes : elles les attendent. Ensuite, n’est-ce pas, elles vous permit de venir la voir ?

— Oui, et j’en ai profité, mais on la trouve si rarement ! Nous nous sommes rencontrés assez souvent chez la comtesse et j’ai passé avec elle quinze jours délicieux, oh ! très délicieux, au château de Rabodanges, pendant le mois de juillet. Je devais y revenir en septembre et elle devait également s’y retrouver, mais je dus partir pour la Russie. Il n’y a pas une semaine que je suis de retour je l’ai revue ce soir, pour la première fois. J’avoue, mon cher monsieur d’Entragues, que votre entrée dans le salon m’a été bien désagréable : je me repens de ce mauvais sentiment, mais je ne pouvais pas deviner que j’avais sous les yeux un ami si… si…

— Si utile, acheva Entragues, les amis doivent être utiles ; c’est leur rôle. Alors, à Rabodanges ?

— Ce fut délicieux, je ne trouve pas un autre mot. C’est là qu’elle fit mon portrait. Il est fort joli, seulement il n’est pas ressemblant. Je crois qu’elle se moqua de moi, ce jour-là, car enfin, pourquoi me donner une barbe en pointe au lieu de cette coupe nationale dont je suis fier et que je ne changerai jamais, certes. D’ailleurs, grâce à des retouches, les