Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/169

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très bien à la mer, la mâture est bien plantée, la coque est solide et se rit des lames, le vent est bon… allons, embarque et ne me traite pas d’épave. Maintenant, écoute, je vais rentrer me défaire de cet encombrant portefeuille, je prendrai quelques vers que je veux te montrer, nous irons chez toi et tu me liras aussi quelques pages un peu symboliques, hein ?

Alors ils discutèrent sur la valeur des mots dont se caractérisent les modernes écoles d’écrivains. Les symbolistes, au dire d’Entragues, usurpaient leur appellation ; on ne fait pas du symbole exprès, à moins de se vouer à cette carrière, comme à celle de fabuliste. Le symbole était pour lui la cime de l’art et la conquéraient seule ceux-là qui avaient dressé à la pointe de cette cime une statue extra-humaine et pourtant d’apparence humaine, concrétant dans ses formes une idée.

— Tiens, continua-t-il, le Satan de Milton, voilà un symbole, le Moïse, de Vigny, voilà un symbole, l’Hadaly, de Villiers, voilà un symbole. Le symbole, c’est une âme rendue visible ; le type n’est que le résumé ou l’abrégé d’un caractère.

— Ta définition n’est pas claire. Il me semble que ce que lu prends pour le symbole s’appelle plutôt synthèse.

— Non, la synthèse se retrouve en effet, dans le symbole, c’est l’opération finale ; si elle n’a pas été précédée d’une analyse, brève ou longue, peu importe, mais précise, il n’y a pas de symbole, parce qu’il n’y a pas de vie.