Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maintenant si douce, si tiède, si tendrement murmurante.

Déjà, sans le vouloir, car il goûtait le charme de la pudeur, Sidoine avait tourné la tête vers le lit : c’était l’instinctive reconnaissance du terrain qui s’impose, avant tout combat, aux plus étourdis. Haut, large et profond, ce lit sous ses lourdes courtines rouges le fascinait, mais à la très agréable impression se mêlait une inquiétude. Il y avait dans la disposition des rideaux, dans la nuance des étoffes, dans le mystère de l’ombre chatoyante et des reflets rosés, dans tout cet appareil (ah ! comme ce mot le frappa ! ), dans tout cet appareil, quelque chose d’attristant.

Ses yeux encore une fois se dirigèrent vers le lit : « Le lit de Coquerette, le lit sur lequel quand la flamme attendue luira dans son regard, je porterai la chère petite femme en mes bras forts et tremblants, le lit de nos amours, le lit de Coquerette, qu’y a-t-il là d’attristant ? Absurde ! »

Il prit les mains de Coquerette et se mit à baiser ses doigts l’un après l’autre avec une grâce qui la charma ; elle s’attendrit à tant de délicatesse dans le sentiment, la pauvre mignonne ! Il ne fallut pas un plus grand coup de vent pour disperser les derniers oiseaux jasant encore parmi les branches ; elle se sentit le cœur allégé soudain, car jamais son mari n’aurait eu l’idée d’une aussi exquise caresse, « et puisque jamais il n’en aura l’idée, il faut bien que j’en aime un autre. Peut-on raisonnablement exiger d’une femme qu’elle se prive de telles délices ? Si mon mari est incapable, ce n’est pas ma faute, à moi ! »