Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Sidoine continuait, ayant trouvé ce moyen de ne plus parler et comptant bien trouver également, grâce à quelques minutes de ce manège, le moyen de ne plus penser.

Il recommença par le petit doigt et Coquerette avait les yeux ravis de Psyché sous le premier baiser de l’amour.

Sidoine baisa le petit doigt sur la seconde phalange, car il avait distribué la ronde de ses baisers sur les ongles, d’abord, puis sur la première jointure.

Il baisa le petit doigt et au même instant revinrent à ses lèvres, et cette fois presque terrifiantes, ces syllabes intérieurement prononcées déjà :

« L’appareil ! »

Coquerette crut qu’il disait : « Je t’aime, petit doigt de Coquerette », et elle fut contente.

Sidoine baisa la seconde jointure de l’annulaire de Coquerette et bruit à ses lèvres cet autre mot :

« Funèbre ! »

Coquerette crut qu’il disait : « Je t’aime, annulaire de Coquerette », et elle fut contente.

Sidoine baisa la seconde jointure du médius de Coquerette, et il ne dit rien.

Coquerette crut que le doux lézard familier allait monter le long de sa main, le long de son poignet, le long de son bras nu : « Mon Dieu ! jusqu’où ira-t-il ? Je vais toujours fermer les yeux, je verrai bien. »

Mais la caresse s’arrêta effarouchée ; Sidoine se releva très pâle : il regardait le lit comme on regarde un spectacle inattendu et douloureux :

« L’appareil est funèbre, et mon cœur s’épouvante. »