Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/186

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et malgré vos maladresses celui auquel je me fie, je vous conterai des fragments de ma vie. Ne prenez cela ni pour une confession, ni pour une confidence, ni pour un aveu ; ce n’est rien que bonté d’âme, de ma part, et désir de contenter votre curiosité. Je n’aime guère à expliquer mes misères passées, mais je crois bien, d’ailleurs, que personne n’eut jamais ce spectacle, si ce n’est la comtesse et un ami mort, cher et cher encore par le souvenir, de Sixtine déchirant le voile d’Isis.

— Votre passé, dit Entragues, m’est aussi sacré qu’un mystère de religion. Je ne doute pas que vous n’ayez eu la perpétuelle conduite d’une femme douée de la dignité native…

— Précisément, interrompit Sixtine, je suis femme et je la fus et je commis les crimes d’une femme qui ne sait pas la signification du mot : Devoir. On me l’enseigna, je l’oubliai, n’ayant point compris.

— Si vous l’avez oublié, dit Entragues, je ne tenterai point de vous le rapprendre, avant de vous connaître plus profondément. Pour moi, le devoir c’est de faire mon œuvre, et pour cela, de faucher tous les obstacles de la vie : pour telle autre créature, je ne sais.

— Oui, vous êtes intellectuel, quelques hommes le sont et beaucoup pourraient l’être ; cela n’est pas permis à une femme. Celles mêmes qui ont l’air de s’intéresser aux choses de l’esprit ne le font que par feinte ou par imitation. Le cercle d’argent de la sensation les étreint elle sentiment même est de la sensation pour elles. On m’a dit cela, vous pensez bien que