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Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/209

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— Eh ! fit Renaudeau, cette coquine est pleine de surprises, j’accepte.

Moscowitch, très étonné, trouvait ces mœurs singulières. Il demanda à Entragues :

— Et l’article de cette femme, même mauvais, passera dans la Revue, parce qu’elle a montré sa jambe ?

— Oui, dit Entragues, distraitement, car il songeait, en entendant la question de Moscowitch, combien pouvait être dangereux, un homme si profondément naïf. « Il doit être plein de spontanéité, comme une source cachée, et que fait sourdre un coup de pioche. Sixtine, tel jour lui blessera le cœur, et jailliront sous la blessure de violentes effusions d’amour. Il sera bon de le surveiller, de lui infuser des distractions littéraires. Ceci serait un moyen : lui faire entendre qu’il a du génie, qu’il se doit à lui-même, à ses deux patries, à l’humanité, de ne point souffrir que périclite la plante merveilleuse qui… que… Dieu, la Nature, la Gloire et autres entités… je ne suis point jaloux… de la jalousie mon chapitre de ce matin m’en a guéri, j’ai torturé Della Preda et le bourreau a laissé tomber les tenailles qui mordaient ma chair… jaloux, non, mais inquiet : en somme, c’est de moi qu’il s’agit, j’ai incorporé Sixtine à ma vie : si on me la prend, je suis mutilé.

— Tenez, dit-il à Moscowitch, comme entrait un être maigre et blondasse, terreux, et les yeux terrifiés d’apocalyptiques visions, voici un type à observer. Vous avez beau avoir du talent, et même plus que du talent (bien), mon cher ami (ces mots familiers donnent du prix au compliment, en le revêtant de sincérité), oui malgré