Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/25

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bref subissait les phénomènes les plus aigus de l’hallucination.

C’est ainsi que, dès le lendemain de son retour, Mme du Boys vint l’occuper de ses aventures. Il s’agissait de la réconcilier d’une façon logique avec son mari qu’elle avait abandonné pour suivre à Genève, un comte polonais, retiré là après des aventures nihilistes. Artémise du Boys : elle orthographiait ainsi son nom depuis sa fugue adultère, pendant que son mari, secrétaire-caissier de l’Union de la Bonne-Science, le simple M. Dubois, pleurait l’irréparable malheur.

Il gémissait et Mme du Boys s’ennuyait, excellente occasion pour renouer les fils et mettre en pratique quelques versets de l’Évangile. Irréparable ? Et le pardon ? L’une était au point de consentir à le demander, l’autre attendait qu’on lui forçât la main.

« Ah ! Madame du Boys, songeait Entragues, en considérant sa visiteuse, vous ne connaissez pas votre mari ! Écrivez-lui. Dites seulement : « Je fus une alouette entre toutes les femmes, le miroir me tenta ! » Répétez cette idée simple tout le long de quatre belles pages d’une petite écriture penchée, tremblée, mouillée de larmes (oh ! de vraies larmes, de larmes scientifiques, acidulées et dosées des sels voulus de l’amertume), — fais cela, ô mon amour, et tu verras ! »

Sans attendre la réponse, et pendant que Mme du Boys méditait, modeste et très convenable pécheresse, Entragues alla réconforter le secrétaire de la Bonne-Science. Bureau simple et assez propre : des journaux, des brochures, des registres : liste générale des