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Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/264

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L’évangéliste saint Jean le savait et le raja Ramohun Roy le savait et d’autres : OM et LOGOS : c’est la seule science ; quand on le sait on sait tout. Je me réaliserai donc selon le Verbe… Et toi ? que ferai-je de toi et de ton âme ! Ah ! Sixtine, ton âme, peu à peu, en de nocturnes et quotidiennes célébrations, je la boirai, diluée dans la salive de tes baisers, — ainsi que de saintes parcelles : tu n’auras d’existence qu’en moi, et tu me fortifieras ainsi qu’une élixir spirituel. Nous serons hermaphrodites. Ainsi l’unité renaîtra : et j’aurai renoncé, sans renoncer à toi, à la chimérique poursuite d’un amour extérieur à moi-même. Ah ! l’unité ne sera pas ternaire, — péché contre les rites ! — car je ne veux pas de postérité charnelle. Que ma chair soit stérile et que mon esprit soit fécond ! Nous engendrerons des rêves et nous peuplerons de nos pensées la nuit des espaces. Nous parlerons et nos paroles propagées jusqu’au delà des étoiles feront éternellement vibrer l’éternité morne des éthers. Nous aurons des gestes d’amour et les signes de notre amour se répercuteront dans les miroirs sans nombre des molécules de la lumière. Oui, nous nous amuserons à cette illusion, en renversant les Lois, par notre fantaisie, car nous n’ignorons pas que le monde meurt de la caducité de la pensée qui le crée et que les étoiles, ainsi que l’ongle de notre petit doigt, périront quand la mort fermera les yeux du dernier homme.

Ah ! je monte très haut, je vais très loin. Ma tête comme une bombe s’emplit d’explosifs et la perlucidité de mon esprit s’avive à l’extrême… Alors le roman sera conquis : une nouvelle forme d’analyse