Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/30

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dîner : bonne clientèle, bons payeurs. Son centre est Verneuil : de là, il rayonne, apôtre. D’ordinaire, un cheval et une voiture, loués pour la saison, l’acheminent d’église en église ; ayant affaire à Laigle, il a pris le train pour se distraire ; pour se distraire, est monté en premières avec un billet de secondes. (Il n’y a pas de contrôle à ces heures-ci.) « Verneuil, une agréable ville : chose rare, en province (entre nous, n’est-ce pas ? ), ce gros bourg possède une maison très bien tenue, très renouvelée. » Il est libre-penseur, mais tolérant, enveloppe dans la même pitié sympathique les enfants, les femmes, les prêtres, les dévots, plus bêtes que méchants, assure-t-il. Pour lui, s’il y a un Dieu, il ira au ciel tout droit, n’ayant jamais fait de mal à une mouche. L’instruction intégrale, peu à peu, nous guérira de la religion ; là-dessus il est sans crainte et, la conscience bien tranquille, place au mieux ses Corneille de la Pierre. Point marié, mais désirant le mariage, afin de procréer de braves petits républicains, vigoureux défenseurs de la Patrie : l’Alsace et la Lorraine, Gambetta, etc.

Laigle. — Il m’offre quelque chose. Poliment, je me récuse, il s’éloigne. De par le monde, cela touche au milliard le nombre des cervelles ainsi organisées : pauvres inconscientes abeilles, pour qui travaillez-vous ? L’espèce ? Mais l’intelligence de quelques-uns balance-t-elle l’universelle sottise ?

Rai-Aube.— Village que je ne verrai jamais, village au nom si joli, aurore et rayon, composition pimpante de lumineux vocables, alliance de syllabes