meil ni à aucune des manœuvres mystiques et franciscaines, je dompte ma chair en la menant paître, mais sans plus de péché dans l’intention qu’un malade qui rompt l’abstinence pour prendre un remède. Que le plaisir suive, c’est l’obéissance aux ordres inéluctables qui régissent la matière animée ; que je l’accepte, c’est faiblesse humaine. Aimer jusqu’à vouloir mourir, j’ai eu cette épreuve à l’adolescence et la raisonnable insensibilité de la femme que j’adorais ne m’a jamais amertumé ce lointain souvenir. Je ne souris pas avec pitié de ces jours de folie bocagère. Après dix et douze ans je suis aussi sûr qu’à la première heure d’avoir été privé du plus grand bonheur mis par les Décrets à la portée de ma main et en des moments d’émotion ce regret peut encore attrister ma rêverie. — Depuis cela, rien que de passagers effleurements ; à peine, de temps à autre, un essai de lien brisé au premier tiraillement. — Loin d’être le but de ma vie, la sensation en est l’accident : je réserve mes forces volontaires pour les histoires que je raconte à mes contemporains : on les a trouvées froides et ironiques, mais je n’ai pas qualité pour être enthousiaste de mon siècle ni pour le prendre trop au sérieux. — Un autre motif m’éloigne des recherches émotionnelles : sans être pessimiste, sans nier de possibles satisfactions, sans nier même le bonheur, je le méprise. Je ne cherche pas à aggraver mes misères par des méditations sur l’universelle misère, que mon égoïsme, d’ailleurs, me rend à peu près indifférente : un état plutôt ataraxique me convient. Regretter une joie non éclose,
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