Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/31

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l’inconnu. Je le voyais de profil. Ses cheveux, qu’il avait courts, légèrement bouclés, me parurent châtains, ainsi que sa barbe, qui était entière, peu fournie sur les joues et modérément longue. Ses vêtements ressemblaient beaucoup aux miens ; c’étaient ceux d’un monsieur correct sans prétention ; il était ganté de gris, tenait à la main une canne et un chapeau rond. Je me sentais devenir fou, ne pouvant m’expliquer l’intérêt qui m’arrêtait devant une vision si ordinaire. Je ne comprenais pas davantage l’attention avec laquelle l’inconnu fixait la Vierge. Un curieux d’art eût passé vite ; un dévot se serait agenouillé. Je commençais à perdre la tête, à me sentir malade, quand cet homme, si ordinaire et pourtant si singulier, tourna les yeux vers moi. Ces yeux, extrêmement brillants, achevèrent de me troubler. Je baissai les miens,