Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/33

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l’autre. En étendant le bras, nous aurions pu nous toucher la main.

— Venez, dit-il.

Ce seul mot suffit pour faire cesser tout mon trouble. La voix était très agréable. Elle me pénétra d’une émotion douce. En même temps, je devins aussi libre et aussi satisfait que devant un ami très ancien et très aimé. Cet inconnu de l’heure précédente, il me sembla l’avoir connu de tout temps. Je me trouvais familier avec son visage, son air, son regard, sa voix, son intelligence, ses vêtements même. Une force irrésistible m’inclina à lui répondre, et en ces termes :

— Je vous suis, mon ami.

Toute ma surprise avait disparu et quoique je me rendisse bien compte que l’aventure était singulière, j’étais dans un tel état d’esprit que je ne la sentais pas comme singulière.