Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais Épicure fut peut-être encore plus près de mon cœur. Sa sensibilité naturelle, plus souriante, produisit, sous mon souffle, une plus belle fleur intellectuelle. Il connut une partie de la sagesse et ne fut point dupe des analogies. Intelligent, il n’alla point supposer une intelligence universelle, inventrice de systèmes, de poèmes et de pratiques utiles au bonheur des hommes ; il n’alla point imaginer un créateur suprême. Il comprit que les tempéraments des hommes sont divers et il ne leur conseilla point une volupté unique. Il enseigna la volupté, c’est-à-dire l’art d’être heureux selon sa nature. J’aimais Épicure. Je me manifestais à lui sous la forme d’un ami plus âgé, d’un voyageur qui courait le monde, en quête de la sagesse. Une fois ou deux par an, il me voyait arriver avec joie, mettait ses esclaves à mes ordres, ne me