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BALZAC CHEZ LUI.

distinguait par la présence de madame Dorval. La célèbre actrice se trouvait là moins par devoir de pensionnaire que par curiosité ; on ne présumait pas qu’elle eût un rôle dans l’ouvrage de Balzac. Cependant on espérait qu’elle y jouerait ; de son côté, elle désirait fort qu’il en fût ainsi. On découvrirait peut-être dans le cours de la lecture quelque situation dramatique échappée à l’inexpérience de l’auteur : il y aurait alors occasion pour lui de développer un caractère ; de là à un beau rôle, il n’y a plus qu’un pas. Quoi qu’il en soit, madame Dorval assistait à la lecture de Quinola. J’étais assis près d’elle, à l’angle de la haute cheminée. Balzac occupait l’extrémité de la longue table verte, côté du Luxembourg. Il voulut lire debout, du reste ainsi qu’il a lu toutes ses pièces, même Mercadet, et ceci nous rappelle que les acteurs de la Comédie-Française se montrèrent un peu surpris de cette dérogation à la tradition du fauteuil à bras, le fauteuil alexandrin ! né le même jour pour mourir à la même heure que le verre d’eau sucrée.

La lecture de Quinola commença.

Pesante d’abord, pâteuse, embarrassée, la voix de Balzac s’éclaircissait à mesure qu’il avançait dans sa lecture ; elle acquérait plus tard une sonorité grave,