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BALZAC CHEZ LUI.

l’opinion publique et de tous ceux qui assistent aux premières représentations : il a voulu convoquer un vrai public et faire représenter la pièce devant une salle pleine de spectateurs payants. L’insuccès de cette épreuve a été si bien constaté par tous les journaux que la nécessité des claqueurs en reste à jamais démontrée. L’auteur était entre ce dilemme que lui posaient des personnes expertes en cette matière : introduire douze cents spectateurs non payants, le succès ainsi obtenu sera nié ; faire payer leurs places à douze cents spectateurs, c’est rendre le succès presque impossible. L’auteur a préféré le péril. Telle est la raison de cette première représentation où tant de personnes ont été mécontentes d’avoir été élevées à la dignité de juges indépendants.

Sans que l’auteur eût rien fait pour obtenir de telles promesses, quelques personnes avaient d’avance accordé leurs encouragements à sa tentative, et ceux-là se sont montrés plus injurieux que critiques ; mais l’auteur regarde de tels mécomptes comme les plus grands bonheurs qui puissent lui arriver, car on gagne de l’expérience en perdant de faux amis. Aussi est-ce autant un plaisir qu’un devoir pour lui que de remercier publiquement les personnes qui lui sont restées fidèles comme M. Léon Gozlan, envers lequel il a contracté une dette de reconnaissance ; comme M. Victor Hugo, qui a pour ainsi dire protesté contre le public de la première représentation en revenant voir la pièce à la seconde ; comme M. de Lamartine et madame de Girardin, qui ont maintenu leur premier jugement malgré l’irritation générale. De telles approbations consoleraient d’une chute. »