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BALZAC CHEZ LUI.

d’œil sous un tapis de rats : rats noirs, rats bistres, rats fauves, rats jaunes, rats marrons, rats gris, rats cendrés, rats bleuâtres, même rats blancs, — les doyens d’âge. Avant qu’il ne fût tout à fait couvert, nous remarquâmes qu’il partit de la masse un détachement de rats plus hardis, plus aventureux que les autres. Ils allèrent sur trois colonnes, et triangulairement, vers le cadavre du cheval, qu’ils occupèrent. Ce fut comme une reconnaissance militaire qui avait réussi. Alors, les autres compagnons, rassurés, marchèrent avec beaucoup plus de résolution. Il y eut ébranlement général, la division avança ; et, tandis que ceux que je viens de montrer grimpant sur les flancs ballonnés du cheval s’occupaient de découdre sa peau d’un bout à l’autre, ainsi qu’un tailleur découdrait un vieil habit pour en faire des morceaux, des centaines, des milliers, des myriades de rongeurs accouraient par toutes les ouvertures, mais drus, pressés, effarés comme des spectateurs effrayés qui chercheraient à sortir d’une salle de spectacle où serait le feu. Ils montaient les uns sur les autres, et leurs mouvements et leurs petits sifflements aigus, qu’on n’entendait pas d’abord, produisirent par degrés, en se multipliant, le bourdonnement de la foule, un murmure d’où sortaient des cris qui avaient presque