Page:Gozlan - Balzac chez lui, 1863.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
BALZAC CHEZ LUI.

la pièce où étaient mes subordonnés, que j’avais laissés autour du poêle. Elle y consentit.

« À vrai dire, quoique sa mise ne fût pas aussi extravagante que celle de sa maîtresse, son moral ne me semblait guère en meilleur état. Dans le peu de paroles qu’elle dit pour répondre à ma proposition, je remarquai un tremblement nerveux qui n’était pas causé seulement par le froid. Nous avons assez l’habitude, dans notre partie, de distinguer tous les genres d’émotions, pour ne pas confondre la couleur du remords et la teinture de la peur. Il n’y avait que de la peur chez cette jeune femme, mais une peur à vous la donner, une peur comme je n’en ai jamais rencontré de pareille chez personne dans ma vie, excepté chez sa maîtresse. C’était à vous épouvanter. Et pourtant je voyais bien que la femme de chambre dont je vous parle était une nature forte, énergique, résolue au fond. L’événement qui les amenait, elle et sa dame, à la préfecture de police, était donc considérable. À son accent traînard, je jugeai qu’elle était Belge, d’Anvers ou d’Ostende ; monumentale autant que sa maîtresse était fine et délicate de teint et de constitution, quoique sa maîtresse fût brune comme elle. Puis des yeux espagnols et une bouche bien fendue, bien meublée, à la hollandaise. Et fraîche ! J’ai