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BALZAC CHEZ LUI.

le blanc ; un coin de la bouche touchait l’oreille. Il était mort. Je pousse un cri, un cri que je n’entends pas, car en le poussant je tombe au pied du canapé. Voyez, j’ai le front coupé là et là. Honorine accourt. Entre cette mort et cet évanouissement, elle ne perd pas un instant la tête ; d’un coup d’œil elle mesure le péril, et quel péril fut jamais plus grand, plus réel ! mon mari allait arriver, il était en route ; il courait entre Étampes et Paris, dans trois heures il serait rendu près de moi. Honorine court dans mon boudoir, plonge sans hésiter une éponge dans de l’eau glacée oubliée dans une cuvette sur la croisée, et vient poser cette éponge sur mes joues, sur mes yeux, sur ma poitrine. Pendant que je reviens à moi, elle roule le divan près d’une fenêtre ; cache le mort sous la tombée des rideaux. Je reprends mes sens ; Honorine me dit alors qu’il nous faut prendre une résolution immédiate. Quelle résolution aurais-je prise, moi ? Aussi c’est elle, Honorine, une fille bien forte, allez ! un caractère… Elle a tout fait. Souvent elle m’avait entendu parler du préfet de police ; elle veut aller chez le préfet de police, tout lui dire, nous en remettre à lui exclusivement, et cela sans plus attendre. Il faut profiter de ce que tout le monde dort dans l’hôtel ; puis, à nous deux, descendre le mort dans la cour,