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BALZAC CHEZ LUI.

ouvrir sans bruit la remise, le mettre dans la voiture ; une fois enfermé dans la voiture, éveiller le cocher et lui dire que nous allons sur le quai des Orfévres, au coin de la rue de la Sainte-Chapelle. C’est un bon Allemand arrivé du mois dernier à Paris ; il ne cherchera pas à en savoir davantage. Par exemple, il ne faut pas songer à emmener le valet de pied avec nous ; il s’est foulé la cheville, il ne marche pas. D’ailleurs quel embarras n’eût-il pas été pour nous ! Le cocher sortira la voiture de la remise, il attellera ; pendant ce temps, moi je ferai une toilette de soirée, pour convaincre au besoin mon mari, si je le trouvais au retour, que je suis allée en soirée. D’où reviendrais-je à cette heure-là ?… Honorine imagine, règle, exécute tout cela. Moi je suis hébétée, idiote, je fais ce qu’elle veut, je la regarde faire. Oui, mais la pauvre Honorine n’avait pas prévu la plus grande de toutes les difficultés. Que de peines ! quelle horrible tâche ! quelle tâche impossible d’habiller un corps où la vie n’est plus. Tout tombait, tout fuyait, tout s’en allait flottant. Les bras détendus se refusaient à entrer dans les manches, et quand nous forcions pour les introduire, ils faisaient entendre d’horribles craquements. Et pour replacer les pieds dans les souliers à guêtres de M. de Karls… !! Non, rien au monde ne se com-