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Page:Gozlan - Balzac chez lui, 1863.djvu/288

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BALZAC CHEZ LUI.

« Après avoir sauté au cou du préfet, qu’elle embrassa de toute la violence nerveuse de son transport, elle me serra la main à me la briser. C’est un des plus beaux moments de ma vie. »

Vidocq passa sa main sur ses yeux.

Balzac, qui étudiait sa physionomie, lui versa, sans cesser de le regarder, un grand verre de rhum.

« Non, dit Vidocq ; plus tard. Je n’ai besoin de rien. »

Et il éloigna le verre avec un geste dont Frédérick-Lemaître eût admiré et retenu la magnificence, la largeur et la noblesse. Le souvenir d’une belle action sanctifiait la vieillesse d’un homme qui ne fut pas toujours aussi pur, aussi bien inspiré, que pendant cette mémorable nuit racontée par lui-même.

Il reprit :

« Vous comprenez qu’il n’y avait pas de temps à perdre pour exécuter mon projet et le mener à bonne fin, non que le jour fût près de paraître ; mais j’éprouvais, je ne vous le cacherai pas, une certaine défiance dans mon esprit, une certaine crainte, dont je n’avais pas jugé à propos de faire part, soit à la comtesse, soit au préfet, de peur d’altérer le contentement immense que j’avais produit chez eux. J’allai au-devant de la comtesse, et j’ouvris la porte, lui indiquant par