une montagne dorée d’éperlans, il me parla ainsi :
« Avant d’attaquer le sujet de conversation qui nous rassemble ici, je voudrais me meubler l’estomac de quelques autres mets supplémentaires. » C’était grave : le souhait était naturel, mais peu facile à réaliser dans la localité riveraine de Saint-Cloud, où, une fois sorti de la côtelette de mouton, de la friture de goujons, de la classique matelote, on ne propose plus aux aubergistes qu’une énigme pleine d’inquiétudes pour eux. Cependant, pour complaire à Balzac affamé, je cognai, avec l’angle fruste de mon robuste verre, le bois de la table rustique et court vêtue sur laquelle nous déjeunions, et le fils de l’aubergiste monta quatre à quatre par l’escalier de sapin placé entre la cuisine et nous. Ici, questions de Balzac, et réponses faites à Balzac par le garçon : « Avez-vous du gigot braisé ? — On vient, monsieur, de servir la dernière tranche à un Anglais, il n’y a pas un quart d’heure. — Une fricassée de poulet ? — Les poulets sont bien durs, monsieur, dans cette saison. — Respectons leur dureté : avez-vous des fricandeaux ? — Nous n’en aurons, monsieur, qu’à cinq heures. — Avez-vous du sphinx ? demandai-je à mon tour avec impatience au fils de notre hôte. — Du sphinx ? je cours voir à la cuisine, me