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Page:Gozlan - Balzac chez lui, 1863.djvu/28

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BALZAC CHEZ LUI.

clos, il les appelait la lance au poing, il demandait à les combattre face à face ; un autre jour, plus calme, il se bornait à les couvrir d’un auguste mépris. Au fond, il se préoccupait beaucoup du moyen de les neutraliser par de l’habileté, de la politique, de la ruse, et surtout sans paraître trop personnellement tourmenté du désir de se les concilier.

C’était pourtant son unique envie ; on va le voir par le récit du singulier projet dont il me parla un jour, et dont je reçus le premier la confidence au fond d’un cabaret de Saint-Cloud où nous étions allés déjeuner.

Avant d’entrer dans les détails d’un plan d’association qui a réellement existé, et qui a duré plusieurs années — trois années au moins, — je rapporterai de ce déjeuner de Saint-Cloud une particularité, je crois, assez gaie. Elle a circulé plus tard de bouche en bouche, avec la vogue d’un mensonge ; pourtant elle est vraie de point en point. La voici. Le grand air, le vent matinal, la vue frétillante de la rivière, peut-être aussi le vieux préjugé qu’on doit avoir faim parce qu’on s’est levé de bonne heure, tout avait aiguisé l’appétit de Balzac. Ce jour-là, il avait la faim de Grand-Gousier. Après avoir englouti, presque vivantes, deux belles côtelettes de mouton et