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BALZAC CHEZ LUI.

lait pas d’heure où il ne sortît de sa bouche des épées et des flammes, des éclairs et des tonnerres à l’adresse de cette contrée exécrée et maudite par lui.

Il avait bien un peu ses raisons pour cela.

Balzac est à coup sûr l’écrivain dont la Belgique a le plus contrefait les livres pendant trente ans. Elle ne s’est pas lassée ; elle y a mis de l’acharnement ; elle y a même mis quelquefois de la folie, car ils étaient tant de contrefacteurs en Belgique, autour de toute œuvre de lui qui paraissait, qu’ils faisaient souvent une spéculation ruineuse à se déchirer ainsi la même proie. Sa colère était donc une colère juste s’il en fut jamais. Ce fut au sujet d’une contrefaçon de César Birotteau, qu’il prit un jour une résolution qu’il avait éloignée jusque-là systématiquement.

Ce jour-là, rien de plus comique que la position où je le surpris aux Jardies, dans la pièce basse du pavillon. Il gesticulait et s’agitait comme un possédé, derrière un rempart de livres de vingt formats différents. Il en prenait un, l’ouvrait avec rage, lisait le titre d’un coup d’œil, le fermait avec bruit et le remettait brutalement en place en disant : Encore une ! encore une !

« Approchez, me cria-t-il au moment où j’ouvrais la porte de la salle basse ; approchez !